Siège social
Fonds de dotation Gemmes
30 rue Auguste Piccard
01630 Saint-Genis-Pouilly
France
19/05/2021
Au début des années 1600, Shakespeare fit dire à l’un de ses personnages : « Je voudrais qu’il n’y eût point d’âge entre dix et vingt-trois ans, ou que la jeunesse dormît tout le reste du temps dans l’intervalle : car on ne fait autre chose dans l’intervalle que donner des enfants aux filles, insulter des vieillards, piller et se battre ». Depuis, peu a changé la vision selon laquelle l’adolescence est la pire partie de la vie est encore profondément ancrée dans nos croyances. Les parents se sentent désemparés et impuissants face à leurs enfants devenus adolescents. Je les ai souvent entendu dire : « Nous ne reconnaissons plus notre enfant ! ». L’enseignant de collège se voit comme un gladiateur entrant dans l’arène alors qu’il passe la porte de sa salle de classe. Et les adolescents eux-mêmes « broient du noir » : ils se sentent incompris et désespérés car leurs idéaux, aspirations personnelles et sens de la justice ne peuvent pas s’exprimer.
L’adolescence est en effet une période de grands changements physiques, extérieurs et intérieurs. La puberté est une période où le cerveau commence à éliminer et réorganiser les connexions neurales développées avec intensité pendant l’enfance, pour augmenter leur efficacité. C’est un peu comme si le cerveau essayait de privilégier la qualité à la quantité, en créant des associations et en éliminant les redondances. De nouvelles capacités émergent alors chez l’adolescent : capacités à se questionner plus en profondeur et comprendre le monde qui l’entoure, mais aussi à ressentir, expérimenter, innover et prendre des risques. Des aptitudes qui doivent être mises en pratique conjointement pour être consolidées.
La croissance du corps, le raffinement de la palette émotionnelle, l’émergence d’un système de valeurs et de la capacité à construire des raisonnements, ne doivent pas nécessairement être une étape douloureuse. Pas si l’on comprend qu’elle doit être accompagnée par des opportunités d’une mise en pratique progressives de ces nouvelles capacités, et connectant l’ensemble de ces différents aspects au lieu de les compartimenter. Cette approche holistique est cruciale, notamment lors des premières années de l’adolescence. C’est durant cette période que les valeurs fondamentales personnelles et collectives seront formulées dans l’esprit d’un individu, qui lutte alors pour abandonner les vues simplistes de son enfance. Les pré-jeunes (12-15 ans) et les jeunes (15-24 ans) ont beaucoup à dire et contribuer, et les traiter comme des enfants ou des trublions serait rater une occasion pour les aider à se forger une identité authentique et poser les éléments fondateurs de l’âge adulte.
Développer l’autonomie des pré-jeunes et jeunes et les aider à canaliser leurs énergies créatives vers l’avancement de la civilisation, est une entreprise dans laquelle tout parents, éducateurs, ou adultes bienveillants peuvent participer. Il n’y a pas de recette miracle. La question n’est pas de davantage de laisser-faire, ou d’être plus strict, ou d’osciller entre les deux. Il ne s’agit pas non plus d’attendre que la « jeunesse se passe ». Mais il faut tout de même agir et concentrer nos énergies pour laisser nos croyances éculées derrière nous, et créer un climat de dialogue continu et de considération respectueuse pour que tous puissent apprendre. En tant que parent, il est temps de mettre en pratique toute la patience et la compassion développées pendant ces longues nuits sans sommeil de la petite enfance. Nos familles élargies et amis peuvent apporter leur soutien pour créer un espace d’opportunités de croissance pour les pré-jeunes et les jeunes. Ainsi, à mesure que nous développons une compréhension des besoins spécifiques et des capacités des adolescents, nous pourrons développer organiquement une nouvelle culture, soutenue par un processus éducatif enraciné dans notre reconnaissance de la noblesse de l’être humain.
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