L’art fenêtre vers la créativité, le super-pouvoir humain

02/11/2021

« Oh, un escargot qui cherche un copain ! ». Il suffit de se promener avec un jeune enfant dans une ville ou à la campagne pour réaliser sa capacité créative : il dira que les voitures ont les yeux tristes, les nuages ont des formes de chats… Souvent, les parents se plaignent qu’un enfant préfère l’emballage au nouveau jouet offert. Or, cet emballage permet à l’enfant de créer des dizaines d’histoires dont il peut être l’acteur, alors que le jouet ne lui en impose qu’une. En effet, en créant nous nous ancrons dans « l’être » au lieu de « l’avoir ». « Avoir » procure un plaisir immédiat alors que la création nous permet de nous relier à quelque chose de plus grand que nous, à être hors du temps. 

La pratique de l’art, quel que soit le niveau de talent, permet d’entretenir, nourrir et développer la capacité créative inhérente à l’humain. La création artistique est immédiatement accessible à tout âge, et elle est source d’apprentissages utiles dans tous les domaines de la vie. À l’adolescence, quand nos enfants deviennent conscients de leurs failles, mais aussi de celles des autres et du monde, la pratique créative devient encore plus essentielle pour soutenir leur croissance intellectuelle et émotionnelle.  

Quel que soit le domaine artistique choisi, il nécessite une pratique régulière et un effort de va-et-vient entre le corps et l’esprit pour traduire ce que l’on a dans la tête en un objet perceptible. L’intégration des idées, des sens, et du corps en mouvement, est un processus d’apprentissage constant et progressif qui permet d’élargir sans cesse nos possibilités. D’une part, de nouvelles connexions neuronales se créent, mais aussi des mises en relation intuitives qui favorisent les raisonnements latéraux. D’autre part, on s’aventure sur les chemins de nos émotions et de nos aspirations, pour les porter ensuite à la lumière. Cela permet à la fois la satisfaction et la joie d’avoir accompli quelque chose, et l’émerveillement devant l’infini des options qui apparaissent alors devant soi. On se découvre une étincelle de génie créateur.  

Approfondir cette découverte, c’est aussi se risquer au regard de ceux qui nous entourent et apprendre à s’en accommoder sans s’y conformer. Cet effort permet de prendre de la hauteur vis-à-vis du jugement envers soi et les autres, un obstacle que les « spectateurs » érigent très tôt. Bien sûr, la création individuelle est importante, mais elle se nourrit également des encouragements, des commentaires (bienveillants) et de l’inspiration donnés par d’autres. C’est ce dialogue constant, en soi et avec les autres, qui permet d’apprendre à s’exprimer, poser ses limites, savoir dire non, accepter les critiques, savoir en donner, s’entraider sans se comparer… Et c’est ce qui crée, au travers de liens solidaires, une communauté.  

A l’adolescence, lorsque l’on cherche à se créer une identité et à appartenir à un groupe, les activités artistiques impulsent donc une dynamique constructive. Les parents ont alors un rôle primordial, celui d’un encouragement discret, « dirigé » mais non obstructif ou décourageant. Avec les pressions scolaires et l’angoisse du futur, les relations humaines sont essentielles. C’est dans la liberté d’accueillir la créativité de chacun, que ces relations permettent à l’individu comme au groupe d’enrichir les progrès partagés de l’humanité, et d’être à la fois utile et heureux.  

Si on observe le plafond de la Chapelle Sixtine, le détail le plus connu de la fresque est ce qu’on suppose être une représentation de Dieu donnant vie à Adam en le touchant du doigt. Mais il semblerait plutôt que Michel Ange ait représenté l’être humain, qui en créant, arrive enfin à toucher du doigt sa part de divin. L’art sublime notre nature humaine : il nous élève au-dessus de notre condition purement matérielle, et au-delà de nos limitations intellectuelles, sociales ou culturelles. C’est un langage universel et intemporel, un super pouvoir latent que chaque être humain possède et qui ne cherche qu’à s’exprimer dans tous les domaines de la vie humaine.

Rebecca Teclemariam-Mesbah

Rebecca Teclemariam-Mesbah

Consultante en éducation et membre du Conseil d’administration de Gemmes