L'éducation n’est pas un jeu ! Vraiment ? 

03/03/2023

Il y a plus d’un siècle déjà, Dewey (1910) montrait le lien entre le processus de recherche scientifique et l’expérimentation naturelle des enfants à travers le jeu. Vygotsky (1978) notait en effet que le jeu a une influence considérable sur le développement de l’enfant en favorisant le développement de la parole, le traitement cognitif, la conscience de soi et l’autorégulation. Des neuroscientifiques ont également découvert que le jeu permet d’affiner le fonctionnement du cortex préfrontal dans le cerveau et stimule la production d’une protéine responsable de la différenciation et de la croissance de nouveaux neurones et synapses (Gordon et al., 2003).

Néanmoins, on entend encore de nombreux parents et enseignants rappeler aux enfants à l’entrée de l’école que « c’est fini les jeux maintenant, là c’est sérieux ! ». Et cela leur est répété en continu jusqu’à ce qu’ils quittent l’école, et sera exprimé dans une autre mouture lorsqu’ils étudient. La connotation négative selon laquelle le jeu n’est « qu’une » récréation est renforcée par la confusion entre « jeu » et « amusement ». Le jeu, comme le montrent une série d’études empiriques sur nombre de pédagogies bien connues, peut être une expérience joyeuse et significative, socialement interactive, activement engageante et itérative, favorisant les compétences cognitives, sociales, émotionnelles, créatives et physiques, alors qu’une « activité amusante » dépourvue de substance éducative peut être épuisante et créer une confusion mentale.

À l’école et en dehors, l’impact positif de l’apprentissage par le jeu est multiple, permettant à la fois des gains d’apprentissage maintenus dans le temps (Dean Jr. et Kuhn, 2007), un transfert de compétences vers de nouveaux problèmes (Purpura et al., 2016), un rappel plus précis des connaissances acquises (Castano, 2008), une compréhension plus approfondie des concepts (Burke et Williams, 2012) et le renforcement des liens entre les concepts (Castano, 2008).

Bien sûr, l’efficacité du jeu, qu’il prenne la forme d’activités artistiques, de puzzles ou de conversations (pour n’en nommer que quelques-uns), dépend de la manière dont il est conçu et s’appuie sur les expériences, les connaissances et les besoins de l’apprenant. Cela dépendra également de si le jeu comprend des objectifs à court et long terme, est fondé sur des données probantes, bien planifiées et structurées, s’il combine des types variés de facilitation et stimule une réflexion et des compétences d’ordre supérieur. Et s’il crée un sentiment de joie. La joie est un excellent stimulant de l’apprentissage qui favorise la concentration, stimule l’intellect, renforce les liens humains et crée des opportunités de conversations inconfortables.

Avec le soutien de la communauté des parents, éducateurs et administrateurs, concevant que la dichotomie entre le « travail sérieux » et le « jeu joyeux » est au détriment du développement des enfants et des jeunes, et se décidant à expérimenter des nouveaux modes d’apprentissages, nous pourrions combler le fossé entre la recherche et la pratique.

Références:

The impact of a thinking skills intervention on children’s concepts of intelligence. Think. Skills Creat, Burke L. A., Williams J. M., 2012

Socio-scientific discussions as a way to improve the comprehension of science and the understanding of the interrelation between species and the environment, Res. Sci. Educ., Castano C., 2008.

Direct instruction vs. discovery: the long view, Sci. Educ., Dean D., Kuhn D., 2007.

How we think, Boston, DC Heath & Co. Publishers, Dewey J., 1910.
Retrieved from:
https://openlibrary.org/books/OL7236952M/How_we_think. 

Sociallyinduced brain “fertilization”: play promotes brain derived neurotrophic factor transcription in the amygdala and dorsolateral frontal cortex in juvenile rats, Neurosci. Lett., Gordon N. S., Burke S., Akil H., Watson S. J., Panksepp J., 2003.

Fostering first graders’ reasoning strategies with basic sums: the value of guided instruction, Purpura D., Baroody A., Eiland M., Reid E., 2016.

Mind in Society: Development of Higher Psychological Processes, Vygotsky L. S., Cole M., Jolm-Steiner V., Scribner S., Souberman E., 1978.

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Rebecca Teclemariam-Mesbah

Consultante en éducation et membre du Conseil d’administration de Gemmes